"Parlez-vous impro ?" avec Marie Hilfiker

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Marie Hilfiker est une improvisatrice bilingue de Suisse. Elle joue dans plusieurs groupes à Zurich (en plusieurs langues) et organise le festival international SPUNK à Zurich depuis deux ans. En plus de la formation à Zurich elle a aussi fait le iO intensive à Chicago et beaucoup d’ateliers avec des comédien.n.e.s internationaux d’Europe et d’Amérique. Aujourd’hui, on la rencontre pour une interview avant de la retrouver à la tête de notre atelier thématique autour de la pratique des langues.

Je voulais d’abord te demander de me parler de qui tu es. 

Je m’appelle Marie, je viens de la Suisse, et je fais un semestre Erasmus à Bordeaux jusqu’en janvier. Je vis sinon en Suisse alémanique, et je suis bilingue, donc je parle français et allemand. 

Est-ce que tu peux me parler de ton parcours avec l’impro ?

Ça fait à peu près six ans que je fais de l’import en Suisse, je suis dans plusieurs groupes et j’organise un festival international à Zurich. C’est à peu près ça *rires*.

Et donc de quoi tu vas nous parler samedi ?

Samedi, ça va être un atelier sur les langues en impro, faire de l’impro théâtrale sans mots, ou en charabia, ou faire des scènes où quelqu’un parle une langue que l’autre ne comprend pas, donc on se comprend pas forcément ou il y a des malentendus. 

En quoi ça consiste de parler en charabia ?

Le charabia c’est une langue qu’on comprend pas, qui est fantaisie donc qui n’existe pas vraiment. Mais je pense qu’en parlant charabia, on a quand même l’idée en tête de ce qu’il se passe dans la scène, et puis on essaie de parler de ça même si c’est des mots qu’on ne comprend pas ou qui n’existent pas. On peut se comprendre, même si on ne se comprend pas avec les mots, on peut quand même comprendre et savoir à travers l’émotion, à travers le langage corporel, de quoi il s’agit dans la scène.

C’est quoi ton histoire avec Atlas ?

Je suis arrivée à Bordeaux en septembre 2019 et je voulais faire de l’impro, aussi parce que j’en fais en Suisse. On m’a parlé d’Atlas, donc je les ai contactés et j’ai eu la chance de pouvoir assister à des cours pour étudiants, mais aussi pour des réfugiés et connaître l’asso comme ça. Et puis on m’a proposé d’animer un atelier, aussi. C’est un peu ça, mon histoire et ce que j’aime beaucoup chez Atlas c’est qu’ils essaient d’intégrer une composante d’interculturalité, c’est que ce n’est pas juste un groupe d’impro mais vraiment une asso qui a une vision du monde qui me correspond aussi. 

Tu avais une histoire avec la France, avant d’arriver là en septembre ?

Oui, alors ma mère vient de la France, mais elle est allée vivre en Suisse avec mon père qui est Suisse. J’ai beaucoup de famille en France, donc je reviens toutes les années en France pour voir ma famille et je suis très liée au français, c’est une partie de mon identité. 

Comme tu as vécu davantage en Suisse, est-ce qu’il y a des choses qui te surprennent encore dans les habitudes qu’on peut avoir en France ? 

Je vois des différences au niveau de l’utilisation la voiture pour aller quelque part, parce que ça je ne le fais pas du tout en Suisse. J’ai pas de voiture, et je connais beaucoup de personnes qui ont pas de voiture, parce qu’on a des transports publics : on utilise ça, on a un réseau de trains qui est très vaste, et pour ma famille française par exemple, c’est une forme d’autonomie, d’indépendance la voiture. Pour moi, c’est pas du tout ça, je me sens aussi indépendante et autonome sans conduire. Donc c’est un truc que je remarque, quand je vais voir ma famille, et c’est assez drôle.

Est-ce que pour toi, il y a un lien avec les problématiques environnementales ?

Je pense qu’il y a un peu partout cette conscience de l’environnement, c’est juste que la France est beaucoup plus grande et peut-être que les transports publics sont un peu moins développés qu’en Suisse. Après je pense que tout le monde a maintenant une conscience environnementale, et que beaucoup de Français s’intéressent à toutes ces thématiques écologiques. 

Est-ce qu’il y a d’autres sujets dont tu voudrais parler ?

Moi je suis passionnée de la langue et des langues, et j’ai beaucoup appris de langues aussi. J’ai appris à jouer un peu avec les langues, à parler sans avoir peur de faire des fautes et je pense que c’est quelque chose qu’il faut qu’on réapprenne, même en impro, de ne plus avoir peur de faire des fautes, d’échouer. Surtout, quand on apprend une langue qu’on maitrise pas encore, il y a toujours cette peur de faire des fautes, voilà, d’être dévisagé par les autres et tout ça mais en fait c’est bête, parce qu’en parlant, c’est comme ça que j’apprends aussi. Moi-même, j’ai eu un peu de remords de faire de l’impro en français, tout ça, parce que c’est aussi une pression que je me suis mise, comme j’ai la double nationalité, j’ai l’impression qu’il faut que je parle super bien français tout le temps, et en fait c’est quelque chose que j’essaie aussi de déconstruire chez moi, d’avoir moins peur, de parler comme ça sans que toutes les phrases soient parfaites et que tout le monde comprenne tout le temps ce que je veux dire.

Et puis tu parles très bien français, en plus.

Oui mais voilà, en fait c’est une pression que moi je me suis mise moi-même et qui fait pas vraiment sens. Et je pense que beaucoup de gens font ça, se mettent une pression parce que … quand on dit « je parle sept langues », ça veut dire quand même pour les autres qu’on parle parfaitement. Mais moi je trouve que dire qu’on parle sept langues, ça veut aussi dire qu’on aime bien les parler, que ça doit pas être parfait.


Quand on a cette peur, ça ralentit notre apprentissage, aussi, parce qu’on ne se met pas dans une bonne disposition.

Oui, et c’est ça aussi un peu que je vais aborder dans mon atelier, d’essayer de se lâcher un peu et de … enfin, de ne pas trop penser à nos erreurs, à nos fautes et à ce que vont penser les gens si on dit ça, mais avoir confiance en soi et assumer qu’on parle que quelques mots d’une langue et que c’est déjà assez pour faire une scène dans cette langue 

Eh bien j’ai vraiment hâte d’être à ton atelier, en tout cas !

Moi aussi, j’ai hâte de le faire, et je suis très curieuse *rires*.

Donc écoute, on peut se dire à demain ?

Hmhm.