Un·e improvisateur·ice, trois exercices : Mélanie

Ce soir, une interview de Mélanie par Alban : elle nous présente trois de ses exercices fétiches, qu’elle nomme “Freeze”, “Radio personnage” et les “zones d’émotions”.

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Bonjour Mélanie, et merci de faire cette interview avec nous. Est-ce que tu peux te présenter rapidement ?

Bonjour ! Alors moi c’est Mélanie, j’ai commencé l’impro il y a quatre ans, peut-être, mais je n’en faisais pas beaucoup. J’en ai fait un peu à Bayonne, où j’ai rencontré Maya, puis j’ai bougé à Amiens et j’en ai fait un petit peu aussi. Je suis arrivée à Atlas, qui a bien voulu me recueillir, et je suis là depuis maintenant un an et demi. Moi je suis juste improvisatrice de loisirs, finalement. 

Tu ne projettes pas de donner des ateliers ?

J’aimerais bien, et on m’avait proposé donc j’avais préparé tout un truc, mais peut-être l’année prochaine.

Mmmmhmmmh. Très bien, tu as eu l’occasion d’essayer pas mal d’exercices avec ton expérience, donc d’avoir des préférences et c’est ce qu’on va voir maintenant : ton premier exercice, comment il s’appelle ?

Il s’appelle « Freeze », je dirais, mais c’est peut-être un nom que moi je lui ai donné.

T’inquiète, beaucoup de gens connaissent les exercices sous le nom qu’ils leur donnent, et parfois d’autres gens ont des petites variantes comme le cow-boy, l’Indien, … Tu peux nous l’expliquer, pour qu’on puisse voir à quoi ça ressemble ?

C’est un exercice très rapide : il y a deux personnes qui jouent, les autres sont en cercle autour. Les personnes jouent une impro très courte, ils font des gestes et là, n’importe qui du cercle des observateurs tape dans ses mains, dit « Freeze » et les deux personnes qui jouent se stoppent dans la position qu’elles ont. La personne qui a tapé dans les mains met sa main sur l’épaule d’une des deux personnes pour prendre sa place, se mettre dans la même position qu’avait laissée cette personne. L’autre s’en va, et les deux sur scène recommencent une nouvelle impro complètement différente qui part de la même posture. Et ainsi de suite.

Moi je le connais sous le nom de « Clap impro », mais effectivement on voit aussi ce que ça veut dire. Qu’est-ce qui te plaît dans l’exercice ? Qu’est-ce qu’il apporte selon toi ?

Il est hyper dynamique, c’est presque un exercice qu’on peut faire en fin d’échauffement pour vraiment se mettre dedans. Je trouve qu’il donne envie d’y aller, de se lancer. C’est un exercice dans lequel tu fais déjà des débuts d’impro, dynamique, et tout le monde a cette chance de pouvoir y aller et d’y retourner autant de fois qu’ils veulent. Ça montre aussi que sur la même base, plusieurs personnes peuvent avoir plein d’idées différentes que nous on aurait pas eues. C’est un truc que j’avais découvert à Bayonne, au tout début de mon parcours dans l’impro, et c’était même un truc qu’on avait joué au tout début d’un spectacle. Ça avait vraiment mis l’ambiance, parce que c’est très rythmé, il y a beaucoup de gestes, donc c’est complet je trouve.

Il y a un petit côté arène, avec les gens au centre. Dans cet exercice, comme tu le dis, il y a quelque chose de dynamique et ça arrive que les joueurs, par exemple, n’osent pas rentrer, ou pas de façon régulière. Est-ce qu’il ne faut pas un peu les stimuler pour les forcer à rentrer dans le jeu, qui demande un certain allant ?

Oui, peut-être *rire* … la question piège. Je trouve justement que l’exercice donne envie d’y aller, parce qu’il va très vite et n’impose pas de faire des impros trop longues. Ceux qui ont peur d’y aller peuvent se permettre d’y aller parce qu’ils savent qu’ils ne vont pas rester bloqués pendant un quart d’heure. Je ne suis pas trop partisane de forcer les gens, de désigner, donc pour dynamiser … je ne sais pas. T’as la réponse ?

Je sais que c’est un exercice que j’apprécie aussi, et ça va avec la troisième question : pour quel public ? A quel moment utiliser cet exercice, plutôt en début, avant de faire des impros ?

Oui, en fait moi je mettais ça un peu pour les débutants parce que je l’ai fait quand j’étais débutante. Je mettrais ça en fin d’échauffement, entre le moment où tu es tellement débutant que tu ne fais pas encore vraiment d’impros mais où tu marches dans l’espace etc, et juste avant les vraies impros finalement.

Je sais, pour avoir fait pas mal de matches avant Atlas, que c’est un exercice qu’on fait énormément avant de commencer par exemple.

Oui, tu as un pied dans l’impro et encore un autre pied dans l’échauffement.

Petite touche Atlas : donne-nous trois mots pour définir cet exercice.

J’ai pensé à « dynamique », évidemment, puis « idées » pour montrer que chacun peut faire un truc complètement différent et génial à partir de la même position, et « proposition » parce qu’en cinq minutes de cet exercice, t’as déjà fait plusieurs impros.

Proposition et acceptation : comme ça va vite, il faut accepter l’idée qu’on nous donne.

Exactement.

Ok, super ! On va passer à ton deuxième exercice : tu peux nous dire comment il s’appelle ?

Je l’ai appelé Radio personnage, mais ça ne doit pas s’appeler comme ça dans la ligue officielle d’improvisation. 

Dis-nous en quoi ça consiste, Radio personnage. 

Cinq personnes sont en ligne, et chacune parle tour à tour, fait un pas en avant et raconte sa version d’une même histoire. 

Moi j’appelle ça Point de vue.

En fait, j’appelle ça Radio personnage parce que quand j’étais à Bayonne, je faisais un truc avec la radio : on était tous en ligne, on ne s’avançait pas mais le prof nous faisait comme un micro qui passait et c’est comme si on changeait de chaîne. Soit on avait chacun une catégorie, soit on parlait d’autre chose, et pour moi ça c’était vraiment la radio pour moi. Mais celui-ci, je pense qu’on l’a déjà fait avec toi et chacun raconte sa version d’un même événement donc j’ai voulu rajouter « personnage » : chacun a son propre personnage.

Oui, c’est un exercice sue j’aime beaucoup. Qu’est-ce qui te plaît dans cet exercice ?

Ce qui me plaît, c’est qu’il faut être très à l’écoute : tant que tu ne parles pas, t’es obligé d’être très à l’écoute pour que ton histoire corresponde, face un rappel de toutes les autres. Encore une fois, il y a du dynamisme, quand c’est ton tour il faut y aller, être clair, bien parler, ne pas perdre de temps à hésiter etc. En fait, il faut se lâcher, il y a peut-être aussi un petit peu de lâcher prise parce qu’il faut aller vite. Ça permet à la fois d’accepter les propositions des autres et d’en faire de nouvelles, c’est vraiment de l’improvisation où tu rebondis sur ce que les autres font. Tu ne pourrais pas le faire tout seul, quoi. 

Moi je sais que j’aime bien le faire avec des variantes : dans un premier temps, je laisse aux comédiens le choix de leur personnage dans l’histoire, et ensuite j’aime bien leur imposer un personnage. Souvent, je demande aux gens qui sont sur le banc de dire « Tiens, lui va faire quel personnage ? » et là aussi c’est intéressant parce qu’ils ont moins à penser à ce qu’ils vont faire. Il y a ce côté « ça c’est mon personnage, je le joue », et c’est intéressant aussi pour travailler les personnages. J’aime beaucoup cet exercice aussi.

J’aimais bien celui de la radio aussi, mais je trouve que celui-ci est encore un peu plus abouti : tu peux faire plusieurs variantes, soit chacun parle tour à tour, soit tu donnes la parole de façon aléatoire, etc. En fonction de ce que tu fais, ça peut s’adresser à des débutants ou à des personnes intermédiaires.

Donc assez tout public. Par rapport à un atelier, tu le ferais à quel moment ?

C’est peut-être … pareil, un exercice de fin d’échauffement, par exemple ça peut bien aller dans un atelier sur les personnages. Ça peut faire une impro sur autre chose que tu veux démontrer. 

Avant de rentrer dans les impros plus libres, ok. Et donc, trois mots pour nous décrire cet exercice ?

J’avais pensé à « personnage », en premier, « écoute » et « point de vue » parce que c’est toujours intéressant de traiter quelque chose selon différents regards. Je trouve que c’est aussi ce qui est rigolo dans cet exercice. 

C’est vrai que mine de rien, il est assez visuel parce qu’on peut très bien imaginer un tableau avec ce personnage-là, celui-là, celui-là. En termes de public, c’est assez intéressant parce qu’on arrive bien à se figurer tout ça.

Oui.

On va enchaîner directement avec ton troisième exercice. Comment il s’appelle ?

Il s’appelle les zones d’émotions.

Très bien. Alors, tu peux nous dire en quoi ça consiste ?

Il y a des zones qui sont définies, nous on l’avait fait grâce aux zones au sol. Tu définis à l’avance une émotion par zone, et les personnages, au fur et à mesure qu’ils évoluent dans l’espace, doivent changer d’émotion en fonction de là où ils se trouvent.

Qu’est-ce qui te plaît dans cet exercice, et qu’est-ce qu’il apporte ?

Il permet de … d’enrichir l’improvisation, parfois ça fait des trucs un peu loufoques mais ça crée des choses, ça fait rentrer des nouvelles choses dans l’impro. C’est-à-dire que tu peux partir d’un thème, et en fonction des émotions ça donne une évolution. Entre deux personnages, ça peut faire des relations dominant/dominé qui changent toutes les deux secondes. En fait, ça modifie les relations, ça peut modifier l’ambiance, ça apporte des choses à l’impro. Ça oblige à penser à plusieurs choses en même temps : tu dois écouter, proposer, imaginer, mais tu dois aussi suivre, comme dans l’impro en général mais ça te donne des occasions pour en jouer. Et puis ça permet de travailler les émotions, évidemment.

Moi aussi je l’apprécie, et c’est vrai que changer d’émotion c’est une vraie arme de l’improvisateur. Là on le fait dans le cadre d’un exercice, mais on peut aussi se l’imposer à soi-même dans une impro et souvent. Ce qui est difficile à capter au début, c’est que changer d’émotion change le rapport au personnage et c’est ce qui peut nous donner de nouvelles idées. Pour celui qui joue avec nous, ça offre la possibilité de rebondir différemment aussi. 

Et ensuite, c’est un truc qu’on fera naturellement par la suite sans avoir les zones définies sur le sol. Hier par exemple, il y a eu un truc dans le doublage américain où les relations ont changé trois fois pendant l’impro et c’était hyper intéressant : là je suis fâchée, l’autre est vexé, là je suis un peu enjôleuse, etc, c’est intéressant.

Carrément ! Je ne sais pas si on peut vraiment utiliser cet exemple, parce que tout le monde ne participe pas aux super ateliers visio d’Atlas *rires*. Et donc, en termes de public, d’accessibilité, cet exercice … ?

C’est quand même assez facile à mettre en place et à comprendre, en plus je trouve qu’il est drôle. J’aurais dit … peut-être pas pour des bébés débutants, mais débutants intermédiaires.

Je pense que c’est un exercice qui demande une certaine exigence, quand même : changer d’une émotion à l’autre, tout le monde peut le faire, mais le faire du tac au tac sans réfléchir, ça demande un certain lâcher prise qui n’est pas simple.

En fait, si on veut le faire pleinement … c’est pareil, c’est un exercice que tu peux moduler pour en faire quelque chose de plus simple. Si tu veux le faire à fond, effectivement, ça demande un peu plus d’expérience. 

Trois mots pour décrire l’exercice ?

« Emotions », même si c’est un peu de la triche.

Mais nonnn, si tu fais un exercice sur la musique et que tu dis « musique », ça compte.

Ensuite, « drôle » et « occasion » parce que c’est comme si on te faisait une proposition, qu’on te donnait une opportunité. 

Peut-être que j’aurais mis « décalé », parce qu’il y a un décalage entre chaque zone et que ça crée des occasions. 

J’ai dit « loufoque » tout à l’heure, et moi j’aime bien quand ça part un petit peu dans l’absurde et parfois, ça part dans l’absurde mais ça retombe très bien sur ses pattes. 

Bon, on avait dit trois mots et là on se retrouve avec vingt-sept, donc … choisissez. Merci Mélanie, je pense que c’était assez clair donc tu es fin prête pour donner des ateliers maintenant.

J’en ai d’autres, heureusement *rires*.

On doit limiter à trois par personne, malheureusement … Déjà, c’est intéressant. 

Oui je comprends … Bisous ! *rires*